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Sécurité des soins Amélioration des pratiques Relations patient
Publié le 19 juin 2025 Modifié le 19 juin 2025
Temps de lecture : 11 minutes

L’annonce d’un dommage associé aux soins : quelles obligations ?

L’annonce d’un dommage associé aux soins

Depuis plus de vingt ans, l’annonce d’un dommage associé aux soins relève d’une obligation légale pour les professionnels de santé. Cette démarche s’inscrit à la fois dans une logique d’apaisement de la relation soignant-patient et dans un engagement éthique en faveur de la sécurité des soins. Pour répondre aux attentes du patient et prévenir toute dérive contentieuse, cet exercice sensible requiert l’application rigoureuse des recommandations méthodologiques de la Haute Autorité de Santé.

Ce qu’en dit la loi

Depuis la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (1), tout établissement ou professionnel de santé est tenu d’apporter, à la personne qui s’estime victime d’un dommage lié à sa prise en charge, les explications nécessaires. En effet, l’article L.1142-4 du code de la santé publique issu de cette loi prévoit :

« Toute personne victime ou s’estimant victime d’un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins ou ses ayants droit, si la personne est décédée, ou le cas échéant, son représentant légal, doit être informée par le professionnel, l’établissement de santé, les services de santé ou l’organisme concerné sur les circonstances et les causes de ce dommage.
Cette information lui est délivrée au plus tard dans les quinze jours suivant la découverte du dommage ou sa demande expresse, lors d’un entretien au cours duquel la personne peut se faire assister par un médecin ou une autre personne de son choix. »

Comment l’information doit-être délivrée ?

L’obligation d’information du patient sur les circonstances et les causes du dommage dont il s’estime victime n’a donc rien de nouveau. Le texte précise même les conditions dans lesquelles cette information doit être délivrée : à l’occasion d’un entretien fixé de préférence dans les 24h, et au plus tard dans les 15 jours de la découverte du dommage avec possibilité pour le patient d’être assisté.

Deux cas particuliers doivent être mentionnés :

  • Dans l’hypothèse où le patient serait mineur ou sous tutelle, le patient reçoit une information adaptée à sa maturité (article L. 1111-2 et L. 1111-4 du Code de la santé publique). Dans certains cas, le soignant s’adresse donc à ses représentants légaux ;
  • Dans l’hypothèse où le patient serait décédé à la suite de l’incident, ce sont ses ayants droit qui doivent être informés.

Les Never Events : les événements indésirables graves évitables

Chaque semaine en France, au moins un Never Event survient dans un établissement de santé. Bien qu’ils soient évitables, ces incidents graves révèlent les fragilités persistantes de la sécurité des soins. Pour mieux comprendre ces événements à risque, Relyens conduit des études régulières à partir de dossiers clôturés. L’objectif : renforcer la compréhension des causes et soutenir les actions de prévention.

Trop souvent, l’annonce d’un dommage associé aux soins est menée par des professionnels non formés ni accompagnés. Une communication mal maîtrisée peut aggraver l’impact de l’événement, fragiliser la relation soignant-patient et encourager des démarches contentieuses.

En savoir plus

Le dispositif d’information

Dans son manuel de certification V2010, la HAS (2) affiche un critère destiné à contrôler la mise en place d’un « dispositif d’information » conforme à la réglementation (point 11.c – page 46 du manuel) :

« L’établissement doit être préparé à assurer l’information du patient dans les meilleurs délais et dans un contexte où l’équipe soignante est elle-même affectée et la confiance du patient potentiellement ébranlée. Dans ces cas, le patient attend aussi des professionnels de santé une écoute et une disponibilité particulières ».

Que doit prévoir le dispositif d’information selon la HAS ?

  • la désignation d’un professionnel de santé senior qui délivrera l’information ;
  • la présence des personnes que le patient souhaite voir informées ;
  • des conditions appropriées pour établir un dialogue ;
  • des explications adaptées aux capacités de compréhension du patient et à son état psychique.

Les 3 niveaux de conformité de l’établissement évalués par la HAS

  • L’établissement a défini une démarche structurée d’information du patient en cas de dommage lié aux soins (procédure formalisée).
  • Des actions de formation des professionnels à la démarche d’information du patient en cas de dommage associé aux soins sont menées et les professionnels mettent en œuvre cette démarche.
  • La démarche d’information du patient en cas de dommage lié aux soins est évaluée et améliorée

Bien que l’information que l’on pourrait qualifier de « post-incident » soit dans la plupart des cas correctement délivrée par les professionnels de santé concernés, la HAS relève fréquemment un manquement au titre de ce critère 11.c compte tenu de l’absence de procédure écrite et de traçabilité dans les dossiers des patients concernés.

En 2025, le dispositif d’annonce des dommages associés aux soins est désormais bien ancré dans le paysage sanitaire français. Toutefois, sa mise en œuvre reste hétérogène selon les établissements et les territoires.

En témoigne le cas de l’Ile-de-France, dont l’ARS déplore 7% de dommages n’ayant pas fait l’objet d’une annonce entre 2020 et 2023, et 13% de dommages pour lesquels les soignants ignorent si une annonce a été fait e. La formalisation du dispositif d’annonce est pourtant une exigence de la HAS, intégrée dans le manuel de certification des établissements de santé (et qui impose que les grandes lignes de l’annonce soient tracées).

Il convient donc de remettre au goût du jour une obligation vieille de près de 25 ans. Les établissements se lancent tous, aujourd’hui, dans un nouveau chantier qui consiste à définir une procédure écrite visant à formaliser le dispositif d’annonce à mettre en a œuvré en cas de prise en charge dommageable. L’étape suivante étant bien entendu la formation des personnels concernés.

La formation du personnel médical

Afin d’accompagner les établissements, la HAS a publié un guide intitulé « l’annonce d’un dommage associé aux soins ».

Si sa lecture intégrale s’impose d’un point de vue pédagogique (développement des recommandations formulées et nombreuses annexes avec mises en situation), certains points peuvent être relevés.

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Champs d’application du dispositif d’annonce

La HAS définit les évènements sur lesquels il est nécessaire de communiquer : il s’agit de « tous les évènements indésirables qui entraînent un dommage physique ou psychologique… qu’ils soient consécutifs à des complications liées à la pathologie du patient, à un aléa thérapeutique ou à une erreur. » (3).

Concrètement, si seuls les évènements dommageables sont concernés par le dispositif d’annonce, ce dernier ne se limite pas aux cas dans lesquels une faute a été commise.

Ainsi, à chaque fois qu’un patient subit un dommage en lien avec sa prise en charge, quelle qu’en soit la cause, le dispositif d’annonce doit être mise en œuvre.

Communication autour du dispositif d’annonce

La HAS préconise une diffusion interne du dispositif en concertation avec l’ensemble des acteurs (CME, CDU …) ainsi qu’une diffusion auprès des usagers notamment via le livret d’accueil (4).

Le dispositif d’annonce : les préconisations de la HAS

  • Le patient doit, de préférence, être informé dans les 24 heures (même si l’article L1142-4 CSP prévoit un délai maxi de 15 jours) (5).
  • L’annonce du dommage doit s’inscrire dans une politique de gestion des risques : signalement des évènements indésirables, analyse systémique des causes (méthode ALARM par exemple), RMM (revue de mortalité et de morbidité), staff-EPP, amélioration des pratiques professionnelles (6)…
  • Le rendez-vous d’annonce doit être préparé, certainement pas improvisé (7) :
    • En pratique, un « staff interne préparatoire » constitué de l’équipe pluriprofessionnelle chargée du patient, doit élaborer un plan de soins, entreprendre l’analyse des causes de l’évènement indésirable, compiler l’ensemble des faits connus, regrouper les informations relatives au patient…
    • Si nécessaire, la présence d’un interprète doit être organisée.
  • L’annonce doit être assurée par le professionnel responsable de la prise en charge du patient (8), dans tous les cas un senior.
  • Le cas échéant, le médecin chargé de l’annonce doit :
    • reconnaître le dommage ;
    • expliquer les faits connus et vérifiés à l’origine du dommage ;
    • exprimer des regrets et, en cas d’erreur avérée (ex. erreur de patient ou de côté), présenter des excuses ;

« Présenter des excuses ne signifie en aucun cas reconnaître une responsabilité médico-légale que seul un juge est habilité à déterminer, mais adopter un comportement éthiquement responsable, respectueux et humain. » (9).

Ne jamais reconnaître de responsabilité médico-légale ni s’engager sur une éventuelle indemnisation.

Les reconnaissances de responsabilité ne sont pas opposables à l’assureur de responsabilité civile qui conserve la maîtrise de l’indemnisation : « L’assureur peut stipuler qu’aucune reconnaissance de responsabilité, aucune transaction, intervenues en dehors de lui, ne lui sont opposables. L’aveu de la matérialité d’un fait ne peut être assimilé à la reconnaissance d’une responsabilité. » (Article L124-2 du code des assurances).

  • Un référent et des RDV de suivi doivent être proposés. Ainsi, après l’annonce, le contact doit être maintenu avec le patient afin de l’informer en continu sur les faits qui deviennent établis, décrire les actions correctives mises en œuvre et organiser les soins d’aval (11).
  • L’annonce et les RDV de suivi doivent être tracés dans le dossier médical (12). On doit y retrouver :
    • la date, l’heure et le lieu du RV ;
    • l’identité des personnes présentes (côté établissement et côté patient) ;
    • le nom du référent ;
    • les faits présentés ;
    • les questions soulevées et les réponses fournies.

En pratique, il ne s’agit pas de « retracer les échanges au mot près ». En effet, les explications sont nécessairement tirées d’éléments figurant déjà au dossier du patient. Or, il n’apparaît pas utile de « réécrire l’histoire ». L’objectif de la traçabilité est principalement d’attester de la délivrance de l’information dans l’hypothèse où une telle preuve serait exigée a posteriori par la HAS, lors d’une visite de certification, ou par un juge en cas de contentieux : les grandes lignes des échanges sont donc suffisantes.

Pour conclure, les préconisations du guide de la HAS vont dans le sens d’une déjudiciarisation des évènements dommageables en établissement de santé. En effet, une bonne communication au plus près de l’incident peut très souvent éviter des procédures à la fois lourdes et coûteuses et surtout une dérive vers une plainte pénale.

Les recommandations Relyens pour l’annonce d’un dommage lié aux soins

A ce titre, Relyens, de par son expérience dans la gestion des plaintes et des réclamations, entend rappeler deux règles d’or :

  • Le médecin, lors de son entretien avec le patient, ne doit surtout pas se précipiter. Il doit rester factuel et ne jamais se risquer à évoquer des hypothèses non vérifiées qui risqueraient de semer le trouble dans l’esprit du patient et de porter atteinte à la relation de confiance établie.
  • Le médecin, s’il doit faire preuve d’empathie, ne doit jamais céder à la tentation de désigner un responsable qu’il s’agisse de lui-même, de collègues, de l’administration ou d’un professionnel extérieur. En effet, la responsabilité aussi bien civile (indemnitaire) que pénale (répressive) obéit à un régime juridique complexe qui ne peut être totalement appréhendé à ce stade par le professionnel. Toute reconnaissance de responsabilité ou promesse d’indemnisation, n’étant pas opposable à l’assureur, risquerait d’avoir un effet frustratoire sur le patient.

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L’annonce d’un dommage associé aux soins : quelles obligations ?
L’annonce d’un dommage associé aux soins : quelles obligations ?

Les Nevers Event selon Relyens

Un never event un incident grave qui ne devrait pas se produire, et évitable par la mise en œuvre des recommandations nationales et internationales existantes en matière de sécurité. Il ne s’agit ni d’un aléa, ni d’un simple “accident”. Il s’agit d’une erreur totalement évitable – par des pratiques connues, éprouvées, validées.

En lien avec la définition de l’OMS, Relyens qualifie de never event les évènements suivants :

  • Oubli de matériel ou de corps étranger après une intervention
  • Brûlure de patient
  • Erreur d’intervention (type, localisation)
  • Prothèse/implant inapproprié
  • Erreur de patient
  • Erreur médicamenteuse grave

Ces incidents n’épargnent aucune spécialité ni aucune structure en France et en Europe.

Pour aller plus loin

FAQ

La HAS prévoit que le soignant informe le patient du dommage dans un délai maximum de 15 jours (bien qu’une information dans les 24h soit recommandée), dans le cadre d’un rendez-vous dûment préparé. L’annonce reconnaît le dommage et son origine, détaille les faits et exprime des regrets en cas d’erreur.

L’annonce d’un dommage associé aux soins implique la présence du professionnel de santé chargé de la prise en charge du patient et d’un médecin senior, si besoin. Elle doit aussi comprendre le patient et/ou ses proches et un représentant de la direction ou de la politique de gestion des risques de l’établissement. Si nécessaire, elle peut aussi nécessiter un soutien psychologique.

L’annonce d’un dommage lié aux soins s’inscrit, a posteriori, dans la démarche de gestion des risques de l’établissement. Elle permet de recueillir les éléments nécessaires à l’analyse de l’événement indésirable (EI) en vue d’identifier ses causes et de mettre en œuvre des actions correctives. Intégrée dans une démarche d’amélioration continue, l’annonce aux patients contribue à renforcer la culture de sécurité des soins et à prévenir l’occurrence d’événements similaires.

Références

(1) Depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui a donné lieu à l’article L.1142-4 du code de la santé publique
(2) Haute Autorité de Santé
(3) Guide page 7
(4) Guide page 14
(5) Guide page 19
(6) Guide page 12
(7) Guide page 15
(8) Guide page 17
(9) Guide page 20
(10) Guide page 20
(11) Guide page 21
(12) Guide page 21

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