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Accouchement dystocique
Un accouchement dystocique, c’est-à-dire dû à une difficulté essentiellement mécanique et nécessitant une manoeuvre obstétricale, représente toujours un moment critique en obstétrique.
Pour apprécier les conditions de déroulement d’un accouchement, il convient traditionnellement de prendre en compte les critères physiologiques et mécaniques de sa présentation et de son déroulement. Ainsi, parmi les critères physiologiques, les grossesses et accouchements physiologiques, c’est-à-dire normaux, sont à distinguer des grossesses et accouchements pathologiques. C’est sur ces accouchements dystociques que les juristes Relyens se sont penchés.
S’agissant du critère mécanique, les accouchements eutociques, autrement dit sans manoeuvre particulière, sont généralement opposés aux accouchements dystociques requérant quant à eux la réalisation de manoeuvres. Les conditions de présentation de l’enfant, le caractère pathologique ou non de la grossesse et de l’accouchement auront une incidence sur la nécessité ou non de faire appel à un gynécologue-obstétricien ou de confier la réalisation de l’accouchement au seul maïeuticien.
Compétence de l’opérateur
La compétence de principe reconnue aux sages-femmes s’efface en cas de pathologie maternelle, foetale ou néonatale pendant la grossesse, l’accouchement ou les suites de couches, et en cas d’accouchement dystocique. Dans ces circonstances, l’article L. 4151-3 du CSP prévoit en effet que la sage-femme doit faire appel à un médecin.
Est au surplus précisé que les sages-femmes peuvent pratiquer les soins prescrits par un médecin en cas de grossesse ou de suites de couches pathologiques.
Dans une décision du 1er juillet 2014, la Cour administrative d’appel de Versailles a ainsi considéré que « Lorsque survient une dystocie pendant un accouchement se déroulant sous la surveillance d’une sage-femme, celle-ci a l’obligation d’appeler un médecin. L’absence de médecin dans de telles circonstances est constitutive d’un défaut dans l’organisation du service engageant la responsabilité du centre hospitalier, à moins qu’il ne soit justifié d’une circonstance d’extrême urgence ayant fait obstacle à ce que la sage-femme appelle le médecin ou que le médecin appelé ait été, pour des motifs légitimes, placé dans l’impossibilité de se rendre au chevet de la patiente (1) ».
Cette jurisprudence connaît toutefois un tempérament devant le juge administratif. Le Conseil d’État a en effet jugé en cas d’accouchement dystocique, que l’absence fautive d’appel du médecin par la sage-femme ne peut engager la responsabilité de l’établissement (ou de la maison de naissance) dès lors qu’il n’existe aucun lien de causalité entre ce manquement et le dommage subi par l’enfant (2).
Plus récemment, la haute juridiction administrative retenait que « si selon les experts, l’obstétricien et chef de service aurait dû rester aux côtés de l’interne tout au long de l’accouchement et qu’il aurait en particulier dû être présent lorsque ce dernier a tenté en vain de procéder aux manoeuvres d’extraction », il ne pouvait toutefois pas être considéré de façon suffisamment certaine que « son absence momentanée aurait contribué, même partiellement, à la survenue du dommage dès lors qu’il ne résultait de l’instruction ni que l’interne n’aurait pas disposé des compétences requises pour assurer initialement la prise en charge, ni que les manoeuvres réalisées par ce dernier sans succès auraient été contraires aux bonnes pratiques, ni que le délai d’intervention aurait été excessivement long. (3) »
Au-delà de la compétence médicale pour la réalisation d’un accouchement dystocique, peut également se poser en amont la question du choix du mode d’accouchement le plus approprié, voie basse ou césarienne en urgence.
Ce qu’il faut retenir
- En cas d’accouchement dystocique, la sage-femme doit impérativement appeler l’obstétricien. Il en est de même pour l’interne.
- L’absence du médecin est constitutif d’un défaut d’organisation du service sauf à justifier de circonstances d’extrême urgence faisant obstacle à ce que la sage-femme appelle le médecin, ou que le médecin appelé ait été, pour des motifs légitimes, placé dans l’impossibilité de se rendre au chevet de la patiente.
- Ce défaut d’organisation du service engage la responsabilité de l’établissement de santé.
- Seule cause exonératoire admise pour l’heure par le juge administratif, l’absence de lien de causalité entre l’absence fautive du médecin et les dommages subis par l’enfant (ex. : manœuvres réalisées dans les règles de l’art par un interne disposant des compétences requises et ayant respecté les bonnes pratiques pour la réalisation des manœuvres, le tout dans un délai d’intervention suffisamment bref).
Dans une décision du 18 mars 2019 (4), le Conseil d’État confirmait la responsabilité d’un centre hospitalier universitaire dans la prise en charge de l’accouchement d’une parturiente.
L’accueil de la parturiente, à terme, en novembre 2006 au sein de la structure, pour accoucher de son premier enfant. Les médecins avaient extrait l’enfant par voie basse en pratiquant une manœuvre obstétricale rendue nécessaire par le relèvement du bras du foetus et par l’étroitesse du bassin de la parturiente. Une paralysie du plexus brachial droit avait alors été diagnostiquée lors de son diagnostic prénatal laissant des séquelles à l’enfant malgré les interventions chirurgicales ultérieurement réalisées.
Dans le cadre de la procédure indemnitaire, l’expertise avait notamment mis en évidence une faute médicale consistant en l’absence de programmation d’une césarienne pour une présentation par le siège chez une primipare dont le diamètre transverse médian du bassin était inférieur à la norme.
Par ailleurs, l’enfant ayant présenté un déficit en oxygène dès 1 heure avant les premiers efforts expulsifs, la persistance dans ce contexte, d’un accouchement par voie basse avec manœuvres obstétricales et recours aux ventouses, alors même que la réalisation d’une césarienne en urgence était indiquée, était également jugé fautif.
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Sur le volet indemnitaire, la Cour administrative d’appel de Douai (5) avait considéré que la faute commise par le CHU en s’abstenant de réaliser une césarienne était à l’origine d’une perte de chance évaluée à 80 % d’éviter l’arrachement du plexus brachial provoqué par la manoeuvre obstétricale rendue nécessaire par l’étroitesse du bassin.
Le Conseil d’État conclut quant à lui à la réparation intégrale des préjudices subis par l’enfant en estimant que « dans la mesure où le dommage résultait d’une manoeuvre obstétricale qui n’aurait pas été nécessaire en cas de césarienne, si bien que le dommage corporel, qui ne serait pas survenu en l’absence de la faute commise, devait être regardé comme étant la conséquence directe de celle-ci ».
Références
(1) CAA Versailles 1er juillet 2014 n° 13VE01003
(2) CE 4 février 2016 n° 384109, 384111
(3) CE 26 octobre 2017 n° 393456
(4) CE 18 mars 2019 n° 417635
(5) CAA Douai 7 décembre 2017 n° 15DA00061 et 15DA00166