Retour au blog
Sécurité des soins Analyse de risque
Publié le 1 juillet 2021 Modifié le 8 avril 2024
Auteurs
  • VHMN – user icon
    Marianne Hudry
    Copywriter
Temps de lecture : 6 minutes

Conduite à tenir face à une suspicion de maltraitance « familiale »

Les médecins sont régulièrement amenés à prendre en charge, notamment dans les services d’urgences, des personnes vulnérables au premier rang desquelles figurent les enfants. Traumatismes, fractures ou simples hématomes les conduisent parfois à suspecter un mauvais traitement sans pour autant en avoir la certitude. Malgré tout, dès lors que le doute s’installe, le médecin ne peut plus ignorer les signes d’alerte. Se pose alors la question de l’opportunité d’un signalement.

Signaler, faculté ou obligation ?

Le signalement d’une suspicion de maltraitance sur personne vulnérable constitue une obligation professionnelle prévue tant par le code de déontologie médicale (R 4127-44 CSP) que par les règles professionnelles applicables aux infirmiers (R.4312-7).

Pénalement, en revanche, il ne s’agit pas à proprement parler d’une obligation dans la mesure où les professionnels de santé ne sont pas soumis à l’obligation de dénonciation prévue par les articles 434-1 (1) et 434-3 (2) du code pénal. Toutefois, indirectement l’obligation s’impose dans les faits puisque l’abstention d’un professionnel ayant connaissance d’une suspicion de maltraitance risquerait d’entraîner sa condamnation pénale pour « non assistance à personne en danger » (art. 223-6 code pénal).

Au vu de ces différents éléments, le signalement s’impose donc lorsqu’un professionnel de santé suspecte un mauvais traitement sur un enfant pris en charge et ce, quand bien même il n’en aurait pas la certitude.

Mais attention, le signalement doit respecter des règles de prudence élémentaires pour éviter à son auteur une mauvaise surprise en retour.

Signaler la maltraitance familiale, oui mais comment ?

Pour être irréprochable, l’auteur du signalement doit faire preuve de « prudence » et de « circonspection ».

Le certificat de signalement doit être parfaitement neutre, objectif et factuel.

A ce titre, il faut se garder de toute affirmation hâtive telle que l’existence d’un mauvais traitement sauf à l’avoir constaté personnellement. Seuls les indices factuels conduisant à suspecter de tels actes doivent être décrits (lésions corporelles, comportement de l’enfant…). Les informations dont l’auteur du signalement a eu connaissance par l’enfant lui-même ou via le témoignage de la personne l’accompagnant doivent être retranscrites en tant que telles avec toute la réserve nécessaire en utilisant des guillemets.

D’autre part, quand bien même un membre de la famille ou de l’entourage de l’enfant serait suspecté, le signalement ne doit en aucun cas le désigner : c’est l’enquête judiciaire déclenchée au vu du signalement qui, le cas échéant, établira non seulement la réalité du mauvais traitement, mais également les circonstances et l’auteur des agissements répréhensibles. En revanche, si l’identité d’une personne est dévoilée par l’enfant ou son accompagnant, elle figurera dans la retranscription entre guillemets.

Des outils diffusés par le ministère de la justice apportent une aide précieuse aux professionnels de santé pour éviter tout écueil lors du signalement :

Enfin, le signalement doit être adressé au Procureur de la République qui, au vu des résultats de l’enquête préliminaire, jugera de l’opportunité de déclencher des poursuites pénales. Il pourra également saisir le juge des enfants pour que soient mises en place des mesures d’assistance éducatives.

Dans l’attente d’une intervention du Procureur, en cas de danger imminent pour l’enfant, un maintien de ce dernier en hospitalisation devra, dans la mesure du possible, être envisagé à condition bien sûr que les parents ne s’y opposent pas.

En savoir plus

Si vous désirez en apprendre plus sur les la conduite à tenir en cas de suspicion de maltraitance, ainsi que les procédures à suivre lorsque celle-ci est avérée, voici quelques articles qui pourront vous intéresser :

Signaler, mais à quels risques pour son auteur ?

En principe, si le signalement est effectué en respect des règles précitées, son auteur ne risque ni sanction ni condamnation.

En effet, en application de l’article 226-14 du code pénal (3), le professionnel de santé qui signale une suspicion de maltraitance ne saurait se voir reprocher une violation du secret professionnel.

Précisons, en outre, que le simple fait de procéder à un signalement qui s’avère erroné n’est pas en soi fautif dès lors que toutes les précautions ont été respectées et qu’il a été fait de bonne foi (CAA MARSEILLE 28 mai 2009 N°07MA03752 ).

signalement de maltraitrance sur enfants

En revanche, la méconnaissance des règles de prudence précitées expose son auteur à une procédure disciplinaire devant le conseil de l’ordre pour faute professionnelle caractérisée notamment par une « immixtion dans les affaires de famille ».

Une telle faute, si elle est source de préjudice, est, en outre, susceptible d’entraîner la responsabilité civile du praticien lui-même s’il est libéral ou de l’établissement employeur s’il est salarié ou agent public (sauf faute personnelle ou abus de fonction caractérisé en cas d’intention de nuire par exemple).

Sur le plan pénal, la dénonciation calomnieuse prévue par l’article 226-10 du code pénal (4) peut aussi trouver à s’appliquer en cas de signalement effectué de mauvaise foi et dirigé contre une personne déterminée.

En conclusion, rappelons que le signalement s’impose dès lors qu’un mauvais traitement sur mineur est suspecté et qu’il ne peut entraîner aucune sanction ni condamnation pour le professionnel de santé qui respecte scrupuleusement les règles de prudence édictées en la matière.

Références

(1) « Le fait, pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende.
(…) Sont également exceptées des dispositions du premier alinéa les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13. »

(2) « Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende.
Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13. »

(3) « L’article 226-13 [violation du secret professionnel] n’est pas applicable …à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique »

(4) « La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu’elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l’employeur de la personne dénoncée, est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ».

Sur le même sujet

Toutes les publications